Accéder au contenu principal

Francisque VIALLON, sergent au Régiment d'Infanterie de Marine du Maroc


© archives famille VIALLON

Francisque est né le 5 juin 1895 à Chalmazel (Loire) Ses parents Jean-Baptiste VIALLON et Marie-Célestine née FILLOUX sont cultivateurs au hameau de Laurodant.

 

Matricule 297 de la classe 1915 du centre de recrutement de Montbrison, il  est appelé sous les drapeaux le 17 décembre 1914* et mobilisé au 22ème Régiment d’Infanterie Coloniale (RIC) où il fait ses classes. Le dépôt du régiment est la caserne d’Aurelle à Marseille.*

*Les militaires servant dans un RIC sont appelés les “marsouins”.

 


La caserne d’Aurelle du 22ème RIC à Marseille

*À partir de la classe 1915, pour compenser les pertes énormes du début de la guerre, il est décidé d’avancer de 1 an l’appel des conscrits. Normalement, Francisque aurait dû être mobilisé en décembre 1915.

 

1915

Le 25 avril, Francisque est envoyé dans la zone des Armées, il est affecté au 1er Régiment de Marche Colonial*.

*Créé en août 1914, à partir de 3 bataillons servant au Maroc (4ème Bataillon d’Infanterie Coloniale, 8ème et 12ème Bataillons Sénégalais), le 1er Régiment Mixte d’Infanterie Coloniale devient le 27 novembre 1914, le 1er Régiment de Marche d’Infanterie Coloniale (Les 2 bataillons sénégalais sont renvoyés au Maroc et remplacés par des bataillons européens).

Francisque vient en renfort à la 1ère compagnie du 4ème Bataillon.

Le 9 juin, le régiment prend le nom de Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc.

Au moment où Francisque est intégré, le régiment appartient à la 4ème brigade marocaine avec le 4ème Régiment Mixte Zouaves et Tirailleurs.

La brigade combat au sein de la 152 ème  Division d’Infanterie qui est alors au repos à Zuydcoote (Nord).

 


Au repos dans les dunes de Zuydcoote

Le 28 août, le régiment est transporté par voie ferrée à Lucheux (Somme). Il est engagé dans la 3ème bataille d’Artois où il tient un secteur vers Brétencourt (Pas-de-Calais) qu’il aménage en vue d’une attaque sur Ficheux (prise du moulin)

Cette attaque a lieu le 25 septembre mais ne débouchera pas.

Le 28 septembre, le régiment est relevé et part pour Lucheux puis Grouches.

Le 30 septembre, il est transporté par camions vers le sud de Béthune à Grenay ( à la fosse  n°5 de Béthune dite de Loos) où il relève des troupes britanniques.

 

Les bombardements sont particulièrement violents et les attaques de l’infanterie allemande sont meurtrières pour le régiment (250 hommes hors de combat pour les journées du 8 et 9 octobre)

 


Pendant les combats de la fosse n°5   © charrin 14-18

Le régiment est mis au repos à Hersin jusqu’au 20 octobre.

À partir de cette date et jusqu’au 26 décembre, les bataillons vont alterner garde aux  tranchées et repos.

 


De garde dans une tranchée 


Au repos, près du front

Le 26 décembre, le régiment débarque à Dunkerque et la 4ème brigade marocaine passe à la 38ème DI.

 

1916

Le 31 janvier, la 38ème DI fait mouvement vers Coxyde et à partir du 2 février prend un secteur vers Nieuport.

Les 3 bataillons du RIC du Maroc sont placés à Lombartzyde où ils alternent garde aux tranchées et repos au camp de Ribaillet ou de Gallimard (vraisemblablement situés près de Coxyde).

 

Le secteur subit de constants bombardements notamment par l’artillerie de tranchée. Les coups de main et embuscades sont fréquents de part et d’autre.

 


Le front belge – © Col privée Bayet

Le 20 avril, le régiment quitte le secteur et part au repos à Saint-Pol-sur-Mer, et le 4ème bataillon (celui de Francisque) est à Coudekerque-Branche.

Le 11 mai, le régiment est déplacé à Breteuil (Oise) puis vient à Hardivillers (Oise).

Le 26 mai, il vient à Mussey (Meuse) puis le 5 juin au Bois Saint Pierre.

Le 6 juin est constituée une brigade de marche comprenant le Régiment Colonial du Maroc et le 2ème Zouaves. Cette brigade a pour mission de dégager le fort de Vaux qui est cerné par les Allemands. Elle est rattachée à la 63ème DI.

 


© Magazine Tranchées n°25

La mise en place des troupes est retardée par les conditions météorologiques qui rendent le terrain quasiment impraticable, si bien que, quand l’assaut est donné (le 9 juin), le fort est tombé aux mains des Allemands.

 


Tranchées devant le fort de Vaux

La reconquête du fort est un échec et le 15 juin, le régiment est ramené à Haudainville.

Les pertes sont sévères : 284 tués, 732 blessés pour le régiment.

Parmi les blessés, Francisque qui a été atteint à l’épaule sur le côté droit par un éclat d’obus (le 12 juin).

Sa blessure n’est pas jugé trop grave car il n’est pas évacué. Pris en charge par les postes de secours du fort de Tavannes, de la ferme Cabaret ou du tunnel de Tavannes (poste central). Les ambulances sont à Dugny où les blessés sont conduits en camions.

Pendant cette attaque, la conduite de Francisque est remarquée et il est cité à l’ordre de la 4ème brigade du Maroc n° 43 en date du 23 juin :

“A fait preuve de beaucoup de courage en assurant pendant les journées des 10,11 et 12 juin 1916, son service d’agent de liaison de 1ère ligne au poste de commandement du bataillon sous un bombardement des plus violents”.

Quand Francisque rejoint son régiment vers la mi-juillet, celui-ci est au repos à Contrisson (Meuse).

Le 8 août, le régiment est désigné pour reprendre le village de Fleury-devant- Douaumont, première étape avant l’attaque pour reprendre le fort de Douaumont. voir carte ci-dessus

 


Des marsouins du RICM dans un boyau du village de Fleury


Les ruines de Fleury

Le 17 août, le 4ème bataillon entre dans les ruines du quartier de l’église de Fleury et dépasse le village jusqu’à la voie ferrée. 

Le village de Fleury est reconquis au prix de 420 officiers et soldats hors de combat.

Le régiment est relevé et part pour Belleray.

Encore une fois, Francisque est remarqué et est cité le 25 août à l’ordre n°242 du régiment :

“Le 17 août 1916, s’est porté bravement à l’assaut d’un village, a dépassé le but assigné, a participé à l’organisation de la défense des positions conquises avec une grande ténacité et une inlassable énergie”

Le 21 octobre, le 4ème bataillon est transporté à la Citadelle de Verdun.

Le 22, il monte en ligne au ravin des Vignes.

 


La reprise du fort de Douaumont   

Le 24, est lancée l’attaque sur le fort de Douaumont qui est occupé le 25.

 


Des marsouins du RICM dans les fossés du fort de Douaumont

 


Les Allemands quittent le fort de Douaumont

Le 27 octobre, souffrant de “pied de tranchée”*, Francisque est évacué sur un poste de secours et transféré le même jour à l’ambulance 1/56 stationnée au camp des toubibs près de Senoncourt (25 km au sud de Douaumont). L’ambulance 1/54 prenait en charge les blessés légers et les malades.

*pathologie liée aux conditions de vie et donc d’hygiène des soldats. Elle est due notamment à une exposition statique des pieds à l’humidité et au froid, associée à l’absence de changement de chaussettes et de bandes molletières. La nécrose peut aller jusqu’à la gangrène et l’amputation.

Il ressort de l’ambulance le 30.

Le 31 octobre, le 4ème bataillon part au repos à Stainville (Meuse).

Le 15 novembre, Francisque est cité à l’ordre n°308 du régiment :

 

“S’est porté bravement à l’assaut, le 24 octobre, est resté 5 jours sur les positions conquises sous des bombardements violents”

Le 13 décembre, le régiment revient à Verdun (bois en T) et est engagé le 15 dans la reconquête de Louvemont.

Le 19, il est relevé et vient à Menaucourt où il est reconstitué.

 

1917

Le 26 janvier, Francisque est nommé caporal.

Le 14 février, 2 compagnies du 4ème bataillon (Francisque ?) doivent assister à l'exécution de 2 tirailleurs* du 4ème régiment de marche de tirailleurs.

*les tirailleurs Kilani Ben Mohamed et Simon Krief sont accusés de désertion devant l’ennemi

Puis, le régiment est déplacé et par étapes, rejoint Arcis-le-Ponsart (Marne) pour finalement être engagé dans les combats du Chemin des Dames ( Aisne) sur le plateau d’Ailles.

La 4ème brigade du Maroc est intégrée d’abord au 2ème Corps d’Armée Colonial, puis au 11ème Corps d’Armée et enfin au 3ème CA au fur et à mesure des combats.

 


La bataille du Chemin des Dames – © CRID 14-18   

Le régiment va se battre pendant 3 mois perdant près de 1000 hommes au cours des combats.

 


Détail des combats du 4ème bataillon de fin avril s/secteur poteau d’Ailles – source: JMO du régiment

 


Détail des combats du 4ème bataillon les 7,8 et 9 juin s/secteur La Bovelle – source: JMO du régiment 

Le 18 juin, Francisque est cité à l’ordre n°77 de la 4ème brigade du Maroc :

“Très belle conduite pendant les opérations des 7, 8 et 9 juin 1917. A montré le plus bel exemple de courage à ses hommes.”

Le régiment est relevé le 22 juin et vient à Bourg-et-Comin (Aisne), puis à Marigny- en-Orxois.

Le 4 août, le régiment assiste à l’exécution d’un soldat* du 4ème bataillon du RIC du Maroc.

*Le soldat Auguste Chemardin est accusé d’abandon de poste devant l’ennemi.

Le 24 août, le régiment prend le sous-secteur “Les Bovettes” sur le Chemin des Dames, vers la ferme d’Hameret.

Il est engagé dans la bataille dite de La Malmaison vers le 20 octobre.

 


Le 4ème bataillon dans la bataille de la Malmaison – source: Géoportail

Le bataillon est chargé de dégager les carrières de Bohéry, puis après avoir contourner le fort, d’avancer et venir se positionner sur la ferme Many.

 


Bataille de La Malmaison – © ECPAD

Le 30 octobre, le régiment est relevé, 210 hommes sont hors combat pour le 4ème bataillon. Il vient au repos à Nesles.

Le 1er décembre, Francisque est cité à l’ordre du régiment:

“Très bon caporal, plein d’entrain chargé avec son escouade de faire un nettoyage, a très
bien accompli sa mission en donnant le plus bel exemple de courage”.

Le 12 décembre, mis à la disposition du 4ème Corps d’Armée, le régiment vient à Villers-Marmery (Marne) où il exécute des travaux défensifs de 2ème ligne.

 

1918

Le 29 janvier, Francisque passe au grade de sergent.

À partir du 21 mars jusqu’au 19 juillet, l’Armée allemande va lancer des attaques massives qui vont faire craindre la percée du front. On se retrouve dans la situation de septembre 1914, où les Allemands sont à quelques kilomètres de Paris.

Le régiment part se battre vers Roye-sur-Matz autour du 23 mars.

En mai, il est placé sur la rive de l’Oise entre Pontoise-lès-Noyon et Pont à la Fosse. Il vient le 29 à Nampcel, afin de bloquer une attaque sur Carlepont.

La situation est extrêmement difficile pour le régiment. Malgré une résistance farouche, il recule jusqu’à Tracy-le-Val.

Relevé le 14 juillet, le régiment vient à Coyolles (SO de Villers-Cotterêts)

Mais le 16 juillet, face à l’offensive réussie en Champagne par les allemands, il vient dans l’Aisne, dans le secteur Vierzy-Parcy-Tigny.

La 2ème bataille de la Marne est déclenchée.

Le 22 juillet, quand le régiment est relevé, il a perdu plus de 700 hommes tués ou blessés.

Il est mis au repos au camp du Bois Lévêque (Meurthe-et-Moselle), jusqu’au 8 août.

Le 9 août, le régiment quitte la 38ème DI et est affecté à la 2ème Division Marocaine qui vient d’être créée.

Il stationne à Pont-Saint-Maxence (Oise).

Le 14 août, Francisque est cité à l’ordre n°117 de la 4ème brigade du Maroc:

 

“ Chargé à plusieurs reprise de missions périlleuses, s’en est acquitté à l’entière satisfaction de ses chefs.”

 

C’est sa 6ème citation.

Le 19 août, alors que le 4ème bataillon est en position près de la Ferme des Loges (près de Carlepont) pour attaquer en direction de Lambray, la position est violemment bombardée par l’artillerie allemande. 

 


source: Géoportail

Francisque est blessé à la verge et à la cuisse droite, a le bras gauche fracturé et est brûlé à l’ypérite. Il est évacué*.

Pris en charge par le Poste de Secours régimentaire de la ferme des Loges, il part à la ferme Ecafaut où se trouve le poste de triage.

Via Compiègne, il part pour Verberie (soit en péniche sur l’Oise soit en camion).

Il est embarqué ensuite par train sanitaire pour la gare régulatrice de Chantilly ou Meaux.

*Le circuit d’évacuation pouvant être différent selon la classification des blessés (léger ou assis ou couché ou intransportable), j’ai décrit la plus vraisemblable : couché.

Francisque est ensuite évacué vers un hôpital de l’arrière. La 2ème Division Marocaine combattant pour le 18ème CA, Francisque est envoyé dans  un hôpital de Bayonne (le département des Pyrénées Atlantiques fait partie de la 18ème Région Militaire).

 

À l’issue de cette 2ème blessure ( n’ayant pas été évacué, la 1ère blessure du 16 juin 1916 n’a pas été homologuée), il peut porter la Médaille des blessés de guerre.

 

Le 6 juin 1919, il est démobilisé.

Il rentre à Chalmazel, accompagné de Mlle Louise VALERIEN (elle est lingère à Bayonne dont il a fait connaissance à l’hôpital de Bayonne où sa mère Catherine VALERIEN-ARHETS était infirmière bénévole et qu'elle accompagne parfois).

Le 19 novembre 1919, il l’épouse à Chalmazel. Ils auront 3 fils.

À son retour, il ne travaille plus à la ferme et crée une entreprise de transport (voyageurs et marchandises) ainsi qu’une société d’exploitation du bois.

Créées en 1920 et 1922, Francisque porte la Médaille de la Grande Guerre (ou médaille des Poilus) et la Médaille Interalliée de la Victoire

 

 

Par décret du 12 mars 1928, paru au JO du 22 mars 1928, il reçoit la Médaille Militaire.

Créée par la loi du 28 juin 1930, il est autorisé à porter la Croix du combattant comme ayant combattu pendant au moins 90 jours dans une unité dite combattante.

 


Par décret du 7 janvier 1964, paru au JO du 15 janvier 1964, il est nommé au grade de chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur en tant qu’ancien sergent d’Infanterie de Marine.

  

Francisque et Louise VIALLON lors de la remise de la Légion d’honneur – © archives famille VIALLON

Francisque décède le 7 octobre 1977 à Chalmazel .

 

Tableau-souvenir de la guerre     © archives famille VIALLON

 


 Dans sa fratrie (10 frères et soeurs), 3 autres frères ont été mobilisés pendant la guerre.

Joannès, Célestin

Né le 22 octobre 1891, il est exempt de service militaire puis, après avoir été mobilisé le 2 août 1914, il est réformé pour albuminurie chronique.

Jean, Joseph

Né le 3 septembre 1893, matricule 116 de la classe 13, il fait son service militaire au 16ème Régiment d’Artillerie de Clermont-Ferrand le 13 novembre 1913.

Classé soutien indispensable de sa famille, il est classé “service auxiliaire” du 4 août 1917 au 11 mars 1918, où il est déclaré “bon pour le service armé”. Il est affecté au 13ème Escadron du Train des Équipages (Clermont-Ferrand), dans une section automobile TP (Transport du personnel) puis une TM (Transport du Matériel).

C’est au cours de sa permission de libération qu’il meurt chez lui d’une pneumonie, le 1er février 1919.

Déclarée “maladie liée au service”, il est déclaré Mort pour la France. 

A ce titre, il est inscrit sur le Monument aux Morts de Chalmazel. 

 

Joannes, Antoine

Né le 27 octobre 1896, matricule 160 de la classe 16,  il est ajourné en 1915 pour “poids insuffisant” (40 kg) mais le 26 août 1916, il est déclaré “bon pour le service” et incorporé au 86ème RI du Puy (Haute-Loire).

Le 19 mai 1917, il est classé “service auxiliaire” suite à une blessure à la main droite reçue par les éclats d’une grenade (3 phalanges coupées totalement ou partiellement ).

Le 15 juin 1918, il est déclaré “bon pour le service” mais  affecté en tant que service auxiliaire au 53ème Régiment d’Artillerie de Campagne (quartier Lepic à Montpellier).

Il est démobilisé le 19 septembre 1919.

 


Sources bibliographiques et iconographiques

Archives départementales de la Loire

Archives familiales VIALLON

SGA, Mémoire des hommes

  • JMO du RIC du Maroc 26N   888/1-2

  • JMO de la 4ème brigade du Maroc  26N 556/3à8

  • JMO de la 38ème DI    26N 355/2à4

  • JMO du Service de Santé de la 38ème DI

  • JMO de la 63ème DI 26N  382/1

  • JMO du Service de Santé de la 63ème DI  26N 383/11

  • JMO de la 2ème Division Marocaine  26N 466/1

  • JMO du Service de Santé de la 2ème DM  26N 466/7

  • AFGG

BNF, Gallica

  • Historique du Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc - René LEGRAND  “Mon Régiment”   imp; Villain-et-Bar    Paris

www.geneanet.org   en particulier tous mes remerciements à  psaillou pour ses réponses sur les décorations.

www.forum.pages 14-18.com

Les Troupes de Marine”, quatre siècles d’histoire    Lavauzelle 2002

Lucien BAROU  “Mémoires de la grande guerre, 187 poilus du Forez et de sa périphérie témoignent….  Ed du Conseil Départemental de la Loire