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Joseph GUIBOURDENCHE canonnier de l'Artillerie Spéciale AS316

Toute ma gratitude et mes remerciements à Martine GUIBOURDENCHE pour son aide en m’ouvrant ses archives personnelles et en me donnant l'autorisation de les publier.



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Joseph (Léon), lors de ses classes au 114e RAL -
© Collection Martine Guibourdenche


Léon, François, Joseph est né le 20 juin 1898 à Burzet (Ardèche). Fils de Henri, Louis GUIBOURDENCHE et Louise, Pélagie MASNEUF, il est le 9e enfant d’une fratrie qui en comporte dix. Son père exerce la profession de maçon.

Tous les documents que m’a permis de consulter Martine GUIBOURDENCHE portent le prénom Joseph, c’est donc celui qui sera utilisé dans le texte.

Matricule 31 de la classe 1918, du centre de recrutement de Pont-Saint-Esprit, Joseph est mobilisé le 18 août 1917 au 114e Régiment d’Artillerie Lourde (RAL). Le dépôt où il fera ses “classes” est la caserne Baquet de Valence (1er Groupe du 114e RAL).



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Le 114e d’Artillerie a ses quartiers dans la caserne Baquet de Valence
© DR - Coll. privée
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À droite, un groupe de jeunes artilleurs à l’instruction en janvier 1918
soit à la même période que Joseph GUIBOURDENCHE – © DR - Coll. privée


Le 3 février 1918, après son instruction, il passe au 81e RALT (Régiment d'Artillerie Lourde à Tracteurs) ; le régiment est – de fin 1916 à mai 1918 – le corps support administratif de ce qu’on appelle alors l'Artillerie Spéciale…. et puis, bien plus tard, l’arme blindée.

Joseph est donc versé dans les “chars”. C’est LA nouvelle arme (avec l’aviation) de la Grande Guerre.


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Camp de Champlieu (1) – un char léger Renault FT durant  l'entraînement et l’instruction d’une compagnie d’artillerie d’assaut – la photo a été prise en juillet 1917 – © BDIC, Fonds Valois


Le camp de Champlieu est sur la commune d’Orrouy-Glaignes (Oise). Il est depuis le 1er décembre 1916, le centre d'entraînement des chars sous les ordres du Général ESTIENNE, celui que l’on sur-nommera plus tard le “père des chars”.

Joseph rejoint le 16 juin le 502e RAS (2) (unité opérationnelle), qui après avoir quitté le camp d'entraînement de Champlieu, se positionne à Jaignes (aujourd’hui en Seine-et-Marne – à l’ouest de Meaux). Le régiment vient d’être mis à la disposition du 21e Corps d’Armée.

Il est affecté à la compagnie AS 316 du 6e Bataillon de Chars Légers (BCL), un des trois bataillons du régiment avec les 4e et 5e BCL.

(2) Le 502e RAS est créé le 5 juin 1918, par décision du GQG n° 247 du 31 mai 1918. Il comporte le Groupement II et 3 bataillons de chars légers : 4e, 5e et 6e BCL. Le 6e BCL est formé de 3 compagnies, compagnies d’Artillerie spéciale (AS) : AS 316, AS 317 et AS 318. Chacune de ces compagnies comprend 3 sections, et chaque section est dotée de 5 chars (3 chars-canons et 2 chars-mitrailleuses).

Le régiment est intégralement équipé pour le Groupement II de chars Schneider type CA1 et pour les BCL de chars légers Renault type FT (équipés, soit d’un canon de 37mm, soit d’une mitrailleuse Hotchkiss). 


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Un char léger Renault FT – canon semi-automatique de 37 mm Mle. 1916 “Puteaux”,
équipage 2 hommes : 1 conducteur et 1 tireur/canonnier – Collection D&R.Saillant


Avis aux lecteurs : En l’absence du JMO du 6e BCL, du JMO de l’AS 316 et d’archives familiales (correspondance, livret militaire…), l’exposé qui suit va s’efforcer de décrire ce qui a dû être le parcours de Joseph de son entrée au 502e RAS à son décès de ses blessures le 1er septembre.

Le 18 juin, quelques éléments du 6e BCL entament des reconnaissances dans la région d’Acy-en-Multien (Oise), avant de les pousser le lendemain jusqu’à la ligne Bouresches – Bois de Belleau.

Le 24 juin, le bataillon manœuvre pour 4 jours avec des éléments de la 164e Division d’Infanterie.

Le 29 juin, ordre est donné au 6e BCL de se mettre à la disposition de la Ve Armée. ll embarque en gare de Lizy-sur-Ourcq (Seine-et-Marne) et est dirigé sur la gare de Saint-Hilaire-au-Temple (Marne).

Le 1er juillet, l’AS 316 stationne au Camp de l’Ermitage.

Le 2 juillet, le 6e BCL manœuvre avec la 83rd US Infantry Brigade (42nd US Infantry Division) et certains chars du bataillon vont en reconnaissance vers Somme-Tourbe (Marne).





Transport des chars Renault FT par tracteur Caterpillar

Le 4 juillet, c’est au tour de la 84th US Infantry Brigade (même division US) de s‘entraîner avec le bataillon.

Le 5 juillet, retour à la gare de Saint-Hilaire-au-Temple pour l’ensemble du 6e BCL où il embarque à destination de… Somme-Tourbe (Marne). A son arrivée (dans la nuit du 5 au 6), il stationne au Camp Castelnau, aux environs de La-Croix-en-Champagne.

À partir du 7 juillet, le 6e BCL effectue des reconnaissances durant 3 jours dans la zone.

Le 10 juillet, le 502e RAS reçoit l’ordre de se regrouper dans la région de Châlons. Le 6e BCL embarque en deux trains à Somme-Tourbe le 11 et dès le lendemain arrive en gare de Châlons-en-Champagne, il se rassemble avec le 4e BCL à Saint-Pierre-aux-Oies (à l’ouest de Châlons – aujourd’hui Saint-Pierre). 

Le 14 juillet, le bataillon exécute des reconnaissances à l’ouest de la Montagne-de-Reims et à l’est de la voie ferrée Cuperly-Suippes et la Suippe.

Les 16 et 17 juillet, le 6e BCL est intégré à la Xe Armée du Général Mangin, et est placé en réserve d’armée. 

Puis le 18, le Bataillon est mis à la disposition du 3e Corps d’Armée. Il est transporté par 3 Sections de “Caterpillars” dans la forêt de Vassy (au nord de Mareuil-en-Brie). Par suite de pannes sur les tracteurs, il n’y arrive que le 19 au soir.

Le 20 juillet, les 5 sections du 6e BCL sont engagées sur Comblizy, Nesle-le-Repons, Bois du Crochet et les pentes vers la Marne. Les objectifs atteints, le bataillon se rassemble dans la soirée sur Mareuil-le-Port.




Dès le lendemain (21), la 673e Section de Transport de Matériel déplace le bataillon sur Saint-Imoges (Montagne de Reims) de façon à le mettre à la disposition du 5e Corps d’Armée et des troupes britanniques.

Camion Pierce-Arrow 5 ton, transportant un char Renault FT – © DR - Coll. privée


Le 23 juillet, deux sections de l’AS 316 sont engagées au sud de Marfaux et sur Espilly en appui de la 51st (Highland) Division britannique.
Attaque du 51st Highland sur Espilly


Le bataillon se rassemble deux jours après dans son entier : l’AS 316 dans le Bois de Nanteuil, l’AS 317 et l’AS 318 à Saint-Imoges.

Le 27 juillet, deux sections de l’AS 316 sont mises à la disposition du 22nd British Army Corps pour opérer au moulin de Voipreux sur la Berle (Marne).

À partir du 28 juillet, le 502e Régiment d’Artillerie Spéciale ayant eu, au cours des derniers jours de combat, des pertes importantes (20 tués, 37 blessés et 5 disparus), est renvoyé à l’arrière – au Camp de Mailly – pour se reconstituer. Le 6e BCL, débarqué dans la soirée du 30 au 31 juillet est cantonné à proximité de Sompuis (Marne).

Les 26 et 27 août, le 6e BCL part sur l’Aisne. Il est mis à la disposition du 30e Corps d’Armée.

Le 30 août, les AS 316 et 317 sont envoyées pour soutenir l’action de la 66e Division d’Infanterie* qui doit attaquer le Banc-de-Pierre et le plateau du Mont-de-Leuilly en direction de la rivière l’Ailette et Coucy-le-Château (Aisne).

*La 66ème DI appartient au 30ème CA (avec notamment la Division Marocaine). La 66e DI a relevé la veille au soir la 64ème DI . Celle-ci avait mené une attaque mais n’avait pu avancer que de 300 m vers les lignes allemandes retranchées sur la ligne Hindenburg.

Le 31 août, après 4 heures de préparation d’artillerie, les bataillons de chasseurs alpins de la 66ème DI attaquent avec l’appui des chars des deux AS, ils ont comme objectifs : le Ravin des Ribaudes, le Mont de Leuilly et le Ravin du Trou des Loups.

L’attaque du 30 août en soutien de la 66ème DI        source: AFGG


La progression de la 66e DI est bloquée dès le début par l’insuccès de la 2e Division Marocaine qui ne peut dépasser le versant ouest du Ravin des Ribaudes,
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Un char Renault FT mitrailleur –  dans une zone au relief ressemblant à celui de l’Orme de Montécouvé,
lieu d’action des deux sections du 6e BCL le 31 août 1918 – © Collection D&R.Saillant


Dix-sept chars du 6e BCL sont mis hors de combat.


Joseph, est retrouvé par les brancardiers du Service de Santé de la 66e DI, blessé près de l’Orme de Montécouvé* (étoile bleue sur la carte), atteint par “une balle dans la figure”

*L’Orme de Montécouvé (on trouve aussi arbre de … sur certaines cartes) est situé sur une hauteur de 159 m qui domine la plaine de Bagneux et présente donc un intérêt stratégique important.

Pris en charge par un poste de secours et d’embarquement dans les creutes de Montécouvé, il est ensuite dirigé vers le poste de triage des blessés à Chevillecourt, avant d’être évacué vers l’Ambulance 3/55 – installée au château de la Châtaigneraie à Jaulzy (Oise).

Arrivé à Jaulzy, il y meurt des suites de ses blessures le 1er septembre à 5:30.


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Le Château de la Châtaigneraie, où s’est installée l’Ambulance 3/55
du 26 août au 29 septembre 1918 – ©DR - Coll. privée


Joseph est inhumé à la Nécropole Nationale de Vic-sur-Aisne, Carré E, tombe individuelle n° 108.
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La tombe de Léon (Joseph) GUIBOURDENCHE à Vic-sur-Aisne
© Collection Martine Guibourdenche

Par décret paru au JO du 7 septembre 1920, il reçoit à titre posthume la Médaille Militaire:

“Très bon canonnier. Très belle conduite au feu. Volontaire pour l’attaque du 31 août 1918 au cours de laquelle il fut mortellement blessé. Croix de guerre avec étoile d’argent”.


Son nom est inscrit sur le Monument aux Morts de Burzet (Ardèche) avec ses 2 frères Henri et Louis et sur celui dédié à l’Artillerie spéciale de Berry-Au-Bac (Aisne).


Joseph a 3 frères mobilisés pendant la Grande Guerre dont les parcours sont publiés dans ce blog :
  • Marie, Henri*, Bénézet , MPLF, s/lt au 58ème RIC 
  • Charles, Joseph, Louis, Auguste* 7ème Section Infirmiers Militaires 
  • Paul*, Marie, Joseph 208ème RI

* Prénom usuel


Sources bibliographiques et iconographiques
  • Archives départementales du Gard
  • Archives familiales Guibourdenche
  • SGA -  Service Historique de Défense — Mémoire des Hommes :
    • 502e RAS : JMO du 15 juil. 1918 au 22 août 1919 - cote 26 N 1244/23
    • AS 317 : JMO du 12 avril au 11 déc. 1918 - cote 26 N 1244/29
    • 7e Groupe de chasseurs : JMO du 3 déc. 1916 au 1er fév. 1919 - cote 26 N 559/2
    • 8e Groupe de chasseurs : JMO du 8 nov. 1916 au 23 fév. 1919 - cote 26 N 559/3
    • 6e BCA : JMO du 11 juillet 1918-14 juin 1924 – cote 26 N 817/12
    • 17e BCA : JMO du 1er jan. 1918-16 avril 1919 – cote 26 N 821/24
    • 24e BCA : JMO du 1er jan. 1917 au 28 jan. 1920 – cote 26 N 825/4
    • 64e BCA : JMO du 1er jan. 1918 au 15 mars 1919 – cote 26 N 832/30
    • 67e BCA : JMO du 2 août 1914 au 15 mars 1919 – cote 26 N 833/20
    • 68e BCA : JMO du 10 juin 1918 au 15 mars 1919 – cote 26 N 834/6
    • 66e DI : Infanterie Divisionnaire - JMO du 1er jan.1918 au 5 fév. 1919   cote 26 N 387/6
    • 66e DI : Groupe de Brancardiers - JMO du 25 avril 1917-15 sept. 1918– cote  26 N  388/13
    • 64e DI : Infanterie Divisionnaire - JMO du 6 mars 1917 au 10 avril 1919   cote 26 N 384/5
    • 30e CA : Infanterie - JMO du 1er juin 1918 au 28 juin 1919  cote 26 N 198/4
  • Instruction sur l'emploi des chars d'assaut – GQG des Armées du Nord et du Nord-Est – Imprimerie Nationale, 1918 – via BnF-Gallica
  • Les chars d'assaut : leur création et leur rôle pendant la guerre, 1915-1918 – Capitaine Dutil – Berger-Levrault (Paris), 1919 – via BnF-Gallica
  • Historique du 502e régiment de chars blindés – Charles-Lavauzelle, 1920 – via BnF-Gallica
  • Historique du 114e régiment d'artillerie lourde durant la campagne de 1914 à 1918 – Legrand et Granger (Valence), 1920 – via BnF-Gallica
  • Historique du 5e Bataillon de Chasseurs Alpins – Librairie Chapelot, c.1920 – via BnF-Gallica
  • Historique du 6e Bataillon Alpin de Chasseurs à Pied – Librairie Chapelot, 1919 – via BnF-Gallica
  • Historique du 17e Bataillon de Chasseurs à Pied – Berger-Levrault, c.1920 – via BnF-Gallica
  • Historique Abrégé du 24e Bataillon Alpin de Chasseurs à Pied – Berger-Levrault, c.1920 – via BnF-Gallica
  • Historique du 27e Bataillon Alpin de Chasseurs à Pied – Berger-Levrault, 1937 – via BnF-Gallica
  • Pages de gloire du 28e Bataillon de Chasseurs Alpins – Berger-Levrault, 1921 – via BnF-Gallica
  • Historique du 64e Bataillon de Chasseurs à Pied – Berger-Levrault, c.1920 – via BnF-Gallica
  • Historique du 67e Bataillon de Chasseurs Alpins – Librairie Chapelot, c.1920 – via BnF-Gallica
  • Pages de gloire du 68e Bataillon de Chasseurs Alpins – Berger-Levrault, 1920 – via BnF-Gallica
  • L’Artillerie d’assaut de 1916 à 1918 – Lt.-Col. Lafitte – Charles-Lavauzelle, 1921 – via BnF-Gallica
  • Manuel pratique du char Renault – Lieutenant Goutay – L. Fournier (Paris), 1922 – via Bnf-Gallica
  • Technique des chars et de l'automobile. Troisième Volume. Armement et blindages – École d'application des chars de combat – 1926 via BnF-Gallica
  • Applications de l'industrie, la leçon d’une guerre – Lieutenant-Colonel Ch. Menu – Ecole supérieure de guerre, 1928-1931 – CNAM
  • Le Camp de Champlieu 1916-1918 – Michel Dichard – Annales Historiques Compiégnoises, 2001
  • Le char léger Renault – Yves Buffetaut – Ysec Ed., 2017