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Gilbert JEUDY chasseur au 50ème BCP



Quelques années avant sa disparition, Gilbert Jeudy a accepté de raconter “sa” guerre.
Un enregistrement a été fait de son récit. Je me suis permis d’en intégrer quelques extraits dans cette fiche. Malheureusement, je ne peux retranscrire son accent nivernais, qui donne à ce document une charge émotionnelle très forte.Merci à Bernadette VARICHON, sa petite-nièce de m’avoir fait partager ce moment.





Gilbert JEUDY en 1902 pendant son service militaire  © archives B. VARICHON



Gilbert JEUDY est né le 11 décembre 1881* à Tresnay (Nièvre). Ses parents, Pierre JEUDY et Marie née SOUBRY sont cultivateurs au hameau de La Ronde, près de Tresnay.

*Il a un frère jumeau Eugène, Jean.


Matricule 396 de la classe 1901 du centre de recrutement de Nevers, il fait son service militaire au 10ème Bataillon de Chasseurs à Pied du 16 novembre 1902 au 23 septembre 1905.

Le dépôt du 10ème BCP est la caserne Chérin à Saint Dié (Vosges) .




La  caserne Chérin à Saint Dié



Gilbert fera 2 périodes d’instruction au 10ème BCP du 1er au 23 octobre 1909 et du 24 mai au 9 juin 1910, avant de passer dans la réserve.



1914


Le 2 août, il est mobilisé au 50ème BCP, 9ème compagnie.

Le 50ème BCP est le régiment de réserve du 10ème BCP, dont le dépôt vient d’être installé à Langres (Haute- Marne). Il est constitué de 4 compagnies numérotées de 7 à 10. 


Le 10 août, le bataillon quitte Langres, progresse jusqu’à la frontière, et vient se battre au sein de la IIème Armée au sud de Sarrebourg (21 août).

Puis, c’est le début de la retraite.

Voici, comment Gilbert a vécu cette retraite:




Le 26 août, il se bat à Roville-Rambervillers avec la 25ème DI, le long de la Mortagne.

Le 9 septembre, le bataillon est à Doncières. Il est alors rattaché à la 71ème Division de Réserve. 

Suite à la victoire de la Marne (entre le 5 et 12 septembre), les allemands reculent et repassent sur la rive droite de la Meurthe.



La71ème DI fin 14 le long de la Meurthe


Le 30 septembre, le bataillon est à Hablainville (Meurthe-et-Moselle)

Le 8 octobre, le 50ème BCP est rattaché à la 74ème DI (13ème CA)

Le bataillon est maintenu le long de la rive gauche entre Baccarat et Lunéville et tient notamment Badménil, Marainvillers, Croismare.



1915


Le 50ème BCP reste toute l’année en Lorraine dans un secteur entre Avricourt et Arracourt.



Les divers points de cantonnement du 50ème en Lorraine pendant l’année 15
© blamont.info


Il alternera travaux défensifs en 2ème ligne et garde au front.

Le 16 et 17 octobre, il est engagé dans une attaque à Reillon (étoile rouge)





L’attaque sur le Zeppelin à Reillon   © JMO du 50ème BCP



Le 16, la 9ème compagnie (avec la 10ème) attaque vers 22h la tranchée AB. Pris sous le bombardement, Gilbert se terre dans des trous d’obus dont il ne bougera plus de la journée ni de la nuit qui suit.

Voici comment Gilbert raconte cette attaque :





Le 17, les assauts français se succèdent sans succès, voire en perdant des bouts de la tranchée AB.
Le 18, le commandant Imbert (commandant le 50ème bataillon) reçoit l’ordre de reprendre l’attaque avec les chasseurs restés valides. Commandée par le lieutenant VINCENT, elle est brisée et les troupes sont anéanties.
Voici comment Gilbert a vécu cet épisode:  



La 9ème compagnie de Gilbert a particulièrement souffert : le 17 au soir, elle n’a plus d’officiers, que 6 sous-officiers sur 12 et 87 chasseurs sur 173.





1916

La 74ème DI vient dans la région de Saffais (Meurthe-et-Moselle) où elle construit un vaste
camp d’entraînement jusqu'au 6 février, le bataillon vient prendre alors un sous-secteur du front vers Jeandelaincourt (Forêt de Facq, bois d’Aulnoy)






Relevé le 26 mai, il revient à Jeandelaincourt puis dans le bois d’Aulnay.

La réorganisation des BCP étant ordonnée, le 29 juin, le 50ème passe à 3 compagnies (la 4ème devient compagnie de dépôt). Gilbert passe à la Section Hors Rang* où il est grenadier.

*Section unique qui se trouve au niveau du régiment et regroupe ce qui touche au fonctionnement administratif, logistique et au commandement du régiment. Une soixantaine d’hommes la compose. On y trouve le secrétariat du colonel et de son petit état-major, les cellules traitant de l’approvisionnement en matériel, habillement, nourriture, un peloton de pionniers pour les travaux de protection, la section de brancardiers qui est en même temps la musique du régiment et les hommes chargés des liaisons (téléphonistes,...) Ces soldats ne sont pas des combattants de 1ère ligne…. bien que dans certaines circonstances!


Le 18 août, le bataillon est au repos à Rosières-aux-Salines avant d’être enlevé par voie ferrée pour Ligny-en-Barrois (Meuse) et engagé dans la bataille de Verdun

Tout au long de son séjour à Verdun, le bataillon est rattaché à la IIème Armée.

Le 11 septembre, positionné à Haudainville, le bataillon est engagé dès le 16 sur la route de Vaux entre le fort et le tunnel de Tavannes.*

*Le tunnel de Tavannes (servant d’hôpital, de lieu de repos....mais aussi de dépôt de munitions) a sauté le 6 septembre suite à un incendie accidentel vraisemblablement faisant plus de mille morts.






Le bataillon est relevé le 27 septembre et part au repos à Condé-sur-Barrois jusqu’au 23 octobre où il est engagé dans l’attaque pour reprendre le fort de Douaumont*

*Le fort de Douaumont est tombé aux mains allemandes le 25 février. Il revêt une importance stratégique mais surtout symbolique importante.


Le bataillon participe à l’attaque du fort de Vaux en suivant l’axe fort de Tavannes - bois de la Laufée - fort de Vaux.




Attaque sur le fort de Vaux       © les Français à Verdun

Le fort de Vaux   ©  les Français à Verdun


Sérieusement affaibli (182 hommes sont portés manquants tués, blessés ou disparus), il vient se reconstituer à Villers-en-Lieu puis est en réserve d’Armée à Troyon, à une vingtaine de km au sud de Verdun.

Le 30 novembre, il revient sur Verdun dans le sous-secteur de Ronzières, zone du bois des Chevaliers, plus particulièrement le quartier Lion.





1917


Retiré du quartier Lion le 22 janvier, le bataillon vient par étapes terrestres à Erize-la-Petite et y cantonne jusqu’au 1er février.

Il revient à Verdun le 4 février où il est intégré dans le secteur de Douaumont. L'État-major et la SHR cantonnent dans le fort.



Intérieur du fort de Douaumont     © ECPA





Jusqu’au 1er mars, il reste dans le bois des Caurières.

Le 1er avril, le bataillon vient sur la Main de Massige en Champagne, Il relève le 13ème RI régiment où sert Eugène, le frère jumeau de Gilbert.




Schéma de la Main-de-Massiges  ©  lamaindemassiges.com


Il combat entre le pouce et l’index dans le ravin du faux-pouce (étoile bleue).


Ravin du faux-pouce  © lamaindemassiges.com


Relevé, il vient dans le secteur de Ville-sur-Tourbe, puis de Malmy et le 11 juin, il est mis au repos à Epense (Marne).

Le 24 août, il est envoyé à Berry-au-Bac (Aisne), puis vient occuper la côte 108 et Sapigneul.



La côte 108 à Berry-au-Bac sur l’Aisne


la côte 108    © sapigneul.superforum.fr


1918


Le bataillon tient le secteur jusqu’au 12 février où il vient sur la zone de La Neuville, Cormicy, côte 108, avec des périodes de repos à Châlons-le Vergeur. Il est relevé le 13 mai par des troupes britanniques.





Il part au repos à Venizel (Aisne).

L’armée allemande lance le 27 mai, une attaque sur le front Reims - Soissons. Le bataillon vient se positionner dans les environs du fort de Condé.




Le fort de Condé après le recul du 50ème BCP  © aisne 14-18


Le 28, devant la violente pression ennemie, le bataillon recule et une partie seulement franchit l’Aisne au pont de Missy.



Le 50ème BCP (74ème DI) plie sous l’attaque du 28 mai.                               



Au soir, le bataillon a perdu 436 hommes dont 345 disparus.

Gilbert figure parmi les disparus. En fait, il a été fait prisonnier dans le fort.

Il est détenu d’abord au camp de Stendal en Saxe puis au camp de Lamsdorf en Haute-Silésie.




Fiche de Gilbert au camp de Stendal




1919

Gilbert est rapatrié en France le 12 janvier. Après une permission d’un mois, il est affecté au 17ème RI, le 10 février.

Le 17ème RI est à Epinal.

Gilbert est démobilisé le 12 septembre et rentre à Paraize dans la ferme familiale (commune de Livry dans la Nièvre).


La ferme à Paraize   © archives B. VARICHON




Diplôme de la Grande Guerre de Gilbert JEUDY             © archives B. VARICHON







Le 8 septembre 1928, il reçoit sa carte du Combattant et peut porter la médaille afférente.



Gilbert JEUDY en 1939   © archives B. VARICHON


Gilbert décède le 3 avril 1964 à Livry (Nièvre)

Le parcours pendant la Grande guerre d'Eugène, le frère jumeau de Gilbert est publié sur ce blog.


Sources bibliographiques et iconographiques


Archives familiales de Bernadette VARICHON
Archives départementales de la Nièvre
SGA   Mémoire des hommes
  • JMO du 50ème BCP 26N  828/12 à 18
  • JMO de la 74ème DI  26N 402/1 à 8
  • AFGG
BNF  Gallica
  • Historique du dépôt du 10ème BCP   Henri-Haut Remiremont 1920
  • Historique du 50ème BCP  Henri-Haut Remiremont 1920
IGN  Géoportail
prisonniers-de-guerre1914-1918.chez alice.fr
grandeguerre.icrc.org
lamaindemassiges.com