Je remercie chaleureusement Dominique CHAUVEAUX, son petit-fils, de m’avoir ouvert ses archives et de m’avoir encouragé pour retracer le parcours de son grand-père paternel Robert.
Robert CHAUVEAUX vers 1917 © archives Dominique CHAUVEAUX
Robert, André(prénom usuel) est né le 15 février 1884 à Trosly-Breuil (canton d’Attichy dans l’Oise). Il est le fils d’Edouard CHAUVEAUX et Marie, Fleurine OSSELIN. Son père est cultivateur.
Hasard de l’Histoire: La ferme d’Edouard CHAUVEAUX jouxtait le village de Rethondes. Édouard a, d'ailleurs, été maire de Rethondes de 1871 à 1875.
C’est le 11 novembre 1918 qu’a été signé à Rethondes l’Armistice mettant fin à la Première Guerre Mondiale.
Matricule 477, de la classe 1904 du centre de recrutement de Compiègne, Il s’engage pour 3 ans le 16 novembre 1904, afin de bénéficier en tant qu’étudiant en médecine (loi du 11 juillet 1892), d’une mise en congé après 1 an de service militaire.
Il effectue ce service au 54ème RI (caserne à Compiègne) et est libéré le 23 septembre 1905.
Robert CHAUVEAUX en 1907 (permis de conduire) © archives Dominique CHAUVEAUX
© collection particulière
Robert est alors affecté à la 2e Section d’Infirmiers Militaires (Amiens) où il effectue 2 périodes d’exercices du 13 juillet au 9 août 1908 et du 1er au 23 septembre 1910.
*Une SIM est une base arrière en Zone de l'Intérieur, constituée dans chaque Région pour approvisionner le Service de Santé en personnels (infirmiers, médecins, pharmaciens, etc) lors de la mobilisation et compléter ensuite au fur et à mesure des besoins les unités du Service de Santé en Zone des Armées.
Cécile, Désirée PONELLE
à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne).
© archives Dominique CHAUVEAUX
1914
À la déclaration de la guerre, Robert rejoint, le 3 août son affectation de réserve, soit la 2e SIM* (quartier Gribeauval)
*La 2e SIM fait partie du 2e Corps d’Armée dont le quartier général est Amiens.
Il est affecté à l’ambulance 1/2.*
*Ambulance n°1 du 2ème CA
Une ambulance comprend 6 médecins, 1 pharmacien, 2 officiers d'administration, 28 infirmiers, 13 conducteurs, 19 chevaux, 6 voitures, 20 brancards et plus de 2.000 pansements. Elle suit l’unité à laquelle elle est rattachée à quelques km en arrière du front. Elle peut être installée dans dans des locaux en dur (écoles, château, …) soit sous tentes ou baraques Adrian.
Une ambulance source Fonds Valois BDIC
Le 22 août, l’ambulance 1/2 devient ambulance divisionnaire de la 4ème DI. La Division combat au sein de la IVème Armée. La section d'Hospitalisation 2 lui est adjointe, formant ainsi un hôpital de campagne.
La 4ème DI est alors engagée dans la bataille des Ardennes. L’ambulance suit le parcours de la division qui recule jusqu’au 8 septembre (elle est à Saint Eulien dans la Haute-Marne), quand se déclenche la bataille de la Marne, qui bloque l’avancée allemande.
La 4ème DI pendant la bataille de la Marne ambulance ½ source AFGG
Puis, elle remonte suite au recul allemand.
Le 15 septembre, la 4ème DI est engagée dans les combats d’Argonne. En fonction des combats, l’ambulance est déplacée pour finalement se fixer le 25 septembre à Florent en Argonne (Marne) et ce jusqu’au 11 novembre. Elle est installée dans l’école des filles de Florent.
La 4ème DI en Argonne ambulance ½ source AFGG
Le 11 novembre, elle est à La Grange aux Bois (Marne) et devient dépôt des éclopés* pour la Division avec l’ambulance 3/2.
*Les dépôts d’éclopés accueillent les soldats exténués ou légèrement blessés. Ils resteront environ 15 jours puis repartiront dans leurs unités.
Le 31 décembre, l’ambulance devient centre de groupement* pour le 2ème CA.
*On adjoint aux 2 ambulances une auto chirurgicale apportant au plus près du front des moyens modernes de traitement (bloc opératoire, stérilisation, radiologie, etc..).
1915
Le 19 février, la Division est engagée dans la 1ère bataille de Champagne.
Les positions de l’ambulance pendant la 1ère bataille de Champagne
Elle quittera son secteur le 23 mars pour venir au repos à Varimont (Marne).
Le 2 avril, rattachée à la 3ème Armée, la Division est engagée dans la bataille de la Woïvre (Est de Verdun).
L’ambulance stationne à partir du 12 avril dans les carrières d’Haudiomont (Meuse)
L’ambulance ½ pendant la bataille au nord des Éparges ©www.stenay14-18
Stationnement de l’ambulance ½ dans les carrières d’Haudiomont source: Michel PINEAU
Le 12 mai, l’ambulance reçoit la visite de Marie Curie*.
*Dès le début de la guerre, Marie Curie s’implique beaucoup pour que la radiologie s’installe au front. Elle participe à la conception d’unités mobiles et met au point une vingtaine d’ambulances radiologiques surnommées les «petites Curies ».
Marie Curie au volant d’une”petite Curie”
En exécution de la circulaire n°6117 du 15 mai 1915, le Médecin Principal de 1ère classe SALEBERT, Directeur du Service de Santé du 2e CA, nomme CHEAUVAUX, Robert, André Médecin auxiliaire* (rang d’adjudant) . Les nominations dateront du 20 mai et Robert sera affecté au 1er groupe du 42e Régiment d’Artillerie de Campagne.
*À partir du 20 mai 1915, un étudiant en médecine à huit inscriptions validées et présent aux armées depuis au moins 1 an, est nommé Médecin Auxiliaire.
Le 42ème RAC appartient à l’artillerie de la 4ème DI (2ème CA)
Un régiment de RAC est composé théoriquement de 3 groupes de 4 batteries ayant chacune 3 canons de 75m/m.
Quand Robert prend son poste, le régiment est au repos à Fresnes-en-Woëvre.
Le 26 mai, le 1er groupe vient au nord de Verdun au Mort-Homme (Meuse).
Robert, affecté aux échelons* est à Froméneville.
* Les échelons constituent la base arrière des batteries au front. Ils sont chargés de remplacer les caissons vides par des pleins, à son tour recevant de la logistique arrière des caissons pleins etc.. l'échelon est donc la logistique du capitaine. vers l'arrière on parle de deuxième, troisième échelon..
L'échelon est aussi chargé de la logistique de l'homme et du cheval, vivres
Une rotation tous les 6 jours se fera entre le Médecin Aide major qui accompagne les batteries et le Médecin auxiliaire qui est aux échelons.
Le régiment combat sur la Tranchée de Calonne.
Robert au front © archives Dominique CHAUVEAUX
Position du 1er groupe du 42ème RAC tirant sur la Tranchée de Calonne
Le 20 septembre, il est déplacé en Champagne. Le 1er groupe sera au Nord de Perthes-les-Hurlus.Robert est en premières lignes avec la 1ère batterie sur la route de Perthes à Tahure.
Les 30 et 31 octobre, le secteur subit une violente attaque mais elle stoppée par le tir de barrage des 75.
Le 18 novembre, la Division est mise au repos à Longchamps-sur-Aire (35km au sud de Verdun).
1916
Le 15 janvier, le 1er groupe est dans les bois des Paroches.
Pressentant une grosse attaque sur le secteur de Verdun, le 1er groupe passe sur le secteur de Troyon (Meuse), puis il vient renforcer le secteur des Hauts-de-Meuse.
Il subit de très violentes attaques mais ne cède pas.
Le 21 février, l’attaque allemande sur Verdun est déclenchée.
La 4ème DI entre en combat le 12 mars. Le 1er groupe est à la Madeleine (600 mètres est du Tillat), en flanquement de la face est du Fort de Vaux.Ses échelons sont à Houdainville. C’est un combat sans merci qui se livre.
La rotation des médecins se fait tous les 4 jours.
Entre le 24 et le 28 avril, le 1er groupe est à Fleury-devant-Douaumont.
Fleury-devant-Douaumont avant la guerre © http://www.americansinfrance.net
Les ruines de Fleury-sous-Douaumont au printemps 16 © coll. Victor Robin
Ce n’est que le 1er mai que le 42ème RAC est relevé et part au repos à Beauvais (Oise).
Pour son action pendant cette première période à Verdun, Robert est cité le 31 mai à l’ordre n°26 de la 4ème DI, par le Gal LINDER commandant la Division:
“D’un dévouement absolu allant toujours lui-même avec ses brancardiers ramasser les blessés sur la ligne de feu. S’est particulièrement distingué pendant les journées du 24 au 28 avril 1916 en allant porter secours aux blessés sous les bombardements les plus violents et donnant un magnifique exemple de sentiment du devoir et d’esprit de sacrifice.”
Cette citation s’accompagne de la Croix de Guerre avec une étoile d’argent
Ce repos permet de préparer la Division à la future bataille de la Somme que le GQG va déclencher avec l’armée britannique pour desserrer l’étau sur Verdun.
Le 1er août la Division est engagée dans la bataille de la Somme, vers Belloy-en-Santerre et Estrées-Deniécourt jusqu’au 19 du même mois.
La bataille de la Somme ©www.stenay14-18
Le 29 août, elle est engagée à nouveau vers Berny. Les 4, 5 et 6 septembre, les attaques françaises sur Berny conduiront le 17 septembre à la prise du village..
Au repos dans la région de Sourdon du 19 septembre jusqu’au 13 octobre. La division fait mouvement vers Proyart , puis occupe un secteur vers Berny et le sud de Belloy-en-Santerre, réduit à gauche, le 26 octobre, jusqu’au sud de Berny.
Tranchée vers Belloy-en-Santerre .© /traezhhatevenn.blogspot.fr
“Le 10 octobre 1916, ayant appris qu’un obus venait de blesser le commandant du groupe et un officier adjoint n’a pas hésité à franchir la distance qui le séparait du poste de commandement malgré un bombardement intense d’obus de gros calibre pour porter secours aux officiers blessés Donnant ainsi une nouvelle preuve de son dévouement et de son mépris du danger.”
Une étoile de bronze se rajoute sur le ruban de sa Croix de Guerre.
Les 2 officiers blessés sont:
- le chef d’escadron Louis CENSIER, commandant le 1er groupe
- le sous-lieutenant HUREL, de la 1ère batterie, qui décèdera de ses blessures.
© archives Dominique CHAUVEAUX
Le 27 décembre, le régiment est au repos à Vannes-le-Châtel en Meurthe-et-Moselle, vers Lunéville..
1917
A partir du 28 mars, la Division est transportée de la région de Toul à celle de Mareuil-le-Port (Marne) où elle est mise au repos.Du 8 au 22 avril elle fait mouvement par Villers-Agron et Crugny, vers Beaurieux.
Mise à disposition du 32ème CA de la Vème Armée, la Division se prépare le 16 avril à intervenir dans la 2ème bataille de l’Aisne* mais ne sera pas engagée.
*Appelée surtout, bataille du Chemin des Dames, mal préparée par le Gal NIVELLE, ce sera un échec sanglant qui conduira aux mutineries de certains bataillons.
Le 29 avril, les 4,11 et 17 mai, des engagements violents ont lieu vers Sapigneul . où elle alterne repos et montée en secteur et ce, jusqu’au 27 août .
Combats du 42ème RAC pendant le Chemin des Dames source AFGG
Sapigneul après les combats © http://aviateurguerin.over-blog.com
Elle repart vers la région de Verdun . Elle occupe un secteur vers Haucourt et Avocourt, à la cote 304.
La cote 304 ©www.stenay14-18
Le 5 juin,à 8 heures du matin, Robert a été renversé, pris sous son cheval qui lui est tombé à 2 reprises sur la jambe droite et a été traîné, le pied pris dans l’étrier, sur un parcours de 50m. Accident survenu en venant relever son chef de service aux positions de batterie”. L’accident lui cause une entorse légère du genou droit, qui ne nécessite pas son évacuation.
La cote 304 après les combats de 17 © www.stenay14-18
Le 6 juillet, le groupe est à L’isle-sur-Marne et intervient jusqu'en septembre dans la région de Charny-sur-Meuse.
Le 9 septembre, à 14h, Robert est atteint par les gaz asphyxiants au cours d’un violent bombardement ennemi, alors qu’il donnait des soins aux blessés dans le secteur du Ravin au Prêtre (en haut droite de la carte).Il souffre de conjonctivite double, de troubles respiratoires,de troubles gastriques et intestinaux. Il refuse d’être évacué.
Le ravin du prêtre où Robert est blessé et refuse d’être évacué. source IGN 1950
Il part en permission le 13 septembre et rentre le 26, les batteries sont dans le bois de Chattancourt près d’Avocourt.
Le 26 octobre, Robert passe au 87ème RI ( 3ème compagnie de Mitrailleuses du 3ème bataillon) qui occupe aussi la cote 304
IIème Armée : en date du 7 décembre par ordre n°129:
“En exécution des prescriptions de la note du GQG n°9024 en date du 10, et par application du décret du 18 janvier, le Médecin Inspecteur Chef supérieur du Service de Santé de l’Armée nomme au grade de Médecin sous aide major, Robert CHAUVEAUX. L’étudiant a passé avec succès l’examen d’aptitude (le 22 novembre) et réunit les conditions exigées par l’Article 1 du décret du 18 janvier. Cette nomination prend effet le 10 décembre.
Le 87ème Ri fait partie de l’Infanterie Divisionnaire* (avec le 51ème et le 272ème Ri) de la 3ème DI
*Fin 1916, les brigades sont supprimées
Une ambulance régimentaire sur le front
Le 22 novembre, il réussit le concours de Médecin-sous-aide-Major.
Le 27 novembre, alors que les batteries sont à Rarécourt, il est évacué sur l’ambulance ⅗, (positionnée à Froidos) pour angine avec abcès phlegmoneux de l'amygdale droite et part en convalescence le 13 décembre à Ablon-sur-Seine (Val-de-Marne) et est en permission à Paris jusqu’au 5 janvier.
Le 10 décembre, il est nommé Médecin sous-aide Major (rang adjudant-chef).
1918
Le 7 janvier, il rejoint son unité le 42ème RAC et est affecté au 1er groupe*. Le groupe stationne à Rarécourt (Meuse) dans le bois le Comte.
*Le Médecin Principal de 1ère classe MEYER, directeur du Service de Santé du 2ème CA lui a signifié son maintien au 42 ème RAC le 28 novembre 17 , annulant son affectation au 87ème RI.
Le 16, le groupe se déplace dans les bois de Chattancourt vers Mort-Homme (nord de Verdun)
À partir du 26 mai, le groupe est transporté à Fère-sur Tardenois et est engagé dans la 2ème bataille de l’Aisne. Il combat autour de la ferme de Bussy-le-Bras. Jusqu’au 5 juin, il tient le secteur de Chézy- en Orxois.
Un poste de secours en premières lignes ©L’Est Républicain
Devant l’attaque allemande, les troupes reculent jusqu’à Boullare (Oise) et tiennent jusqu’au 27 juin.
Robert part en permission jusqu'au 12 juillet.
en grande tenue au cours d’une permission © archives Dominique CHAUVEAUX
À son retour, c’est le déclenchement de la 2 ème bataille de la Marne.
Le 42ème (Robert est avec le 3ème Groupe) combat au sein du 3ème CA vers Saint Agnan et La Chapelle-Monthodon. Il franchit la Marne le le 21 juillet.
Position de la 4ème DI le 16 juillet (étoile rouge) le 9 août (étoile verte)
Le 25 , il repart au combat vers Arcis-le-Ponsart et franchit l’Ardre le 9 août.
Suivront une alternance repos - secteurs jusqu’au 29 septembre; où le groupe soutient l’attaque de la 4ème DI à Somme-Py
Retiré du front depuis 13 octobre, le 42ème RAC est transporté à Jolivet au nord de Lunéville où il apprend que l’Armistice est signé le 11 novembre à 11h
Après un passage le 30 novembre à Wissenbourg, le régiment est positionné dans le Palatinat à partir du 2 décembre à Rheinzabern.
source via Michelin
L’église de Rheinzabern ©coll particulière
1919
Il est démobilisé le 27 mars par la 22ème SIM. Il reste à la disposition de l’Armée et en cas de nouvelles mobilisations, il rejoindra le 2ème Escadron du Train des Équipages dont le quartier Ribeauval est à Amiens.
Inscription sur le livre d’or de Verdun © archives Dominique CHAUVEAUX
N’ayant pas terminé ses études de médecine, ses validations lui permettaient d’exercer le métier de dentiste. Ce qui ne sera plus possible vers 1940 et l’obligera à reprendre des études de pédicure et d’exercer jusqu’à sa mort.
Le 5 juin 1940, il reçoit sa carte du combattant et à ce titre, est autorisé à porter le Croix de Combattant.
© archives Dominique CHAUVEAUX
Le 4 septembre 1941, il passe avec succès le diplôme de pédicure-spécialiste
Il décède le 18 janvier 1956 à Paris (14ème)
Sources bibliographiques et iconographiques
Archives familiales de Dominique CHAUVEAUX notamment les agendas de Robert pour 1917 et 1918
Archives départementales de l’Oise
Archives de Paris
Centre de Documentation du Val de Grâce
- JMO de l’ambulance 1/2
SGA, Mémoire des hommes
- JMO du Service de Santé du 2ème CA 26N 978/1-2
- JMO de la 4ème DI 26N 266/ 1à9
- JMO du Service de Santé de la 4ème DI 26N 267/8 à 11
- JMO de l’Infanterie Divisionnaire de la 4ème DI 26N 267/1
- JMO du Service de Santé du 42ème RAC 26N 978/12
- Armées Françaises pendant la Grande Guerre.
BNF, Gallica
- Historique du 42ème RAC Berger-Levrault Nancy 1919
www.rethondes.fr
Forum, 14-18 en particulier Michel PINEAU